« Au sein du groupe, nous planchons actuellement sur un millier de cas d’usage », Hugues Even, BNP Paribas

De quelle façon la banque BNP Paribas s’est-elle emparée de l’intelligence artificielle ?

Nous avons commencé à travailler sur l’IA au sein du groupe BNP Paribas dès 2015. Nous intensifions désormais nos efforts sur l’utilisation de l’IA générative et du machine learning. Pour ce faire, nous nous sommes dotés d’une équipe dédiée avec 50 Chief Data Officer, 3000 experts data, dont 700 sont exclusivement consacrés à l’IA. En interne, nous avons d’ores et déjà identifié plus d’un millier de cas d’usage. Tous les métiers, de près ou de loin, sont impactés. Dans le groupe, personne n’y échappe. L’utilisation de l’IA devrait nous permettre de générer 500 millions d’euros de valeur, à horizon 2025.

Quels sont les différents cas d’usage que vous avez identifiés ?

Tous les métiers sont concernés depuis le crédit à la consommation jusqu’aux salles de marché. Par exemple, l’IA nous permet d’optimiser nos campagnes marketing. L’IA est également utilisée sur nos plateformes de marché. Elle nous permet de transcrire les demandes de trading dans nos moteurs de cotation. Cela permet d’augmenter nos volumes de cotation en répondant plus vite aux demandes clients. Autre exemple, pour la banque de détail, l’IA est aujourd’hui utilisée à des fins d’amélioration du service client. Par exemple, pour la vente d’actions, la réglementation MiFID impose aux institutions financières de connaître le profil investisseur de leur client. Grâce à l’IA nous avons pu systématiser les contrôles : toutes les conversations écrites et vocales sont analysées par la machine, tandis qu’auparavant nous menions des contrôles aléatoires. D’autres améliorations sont en cours, notamment pour le crédit immobilier : la capacité de l’IA à traiter un très grand volume de données permet une accélération de la gestion des dossiers. Enfin, l’IA offre de grandes avancées dans le domaine de la gestion des risques et de la cybersécurité. Concrètement, une IA est capable de détecter des anomalies sur des flux financiers. Cela nous permet d’adresser une alerte à nos clients et notamment à nos clients entreprises, en cas de suspicion de fraude. Sur le volet cyber, les attaquants se dotent eux aussi d’outils IA. Il convient donc de monter en puissance afin de contrer les attaques.

Comment vous organisez-vous afin de mutualiser les innovations entre les différents métiers de la banque ?

Nous avons une approche Bottom-up. L’idée n’est pas de faire de l’IA pour faire de l’IA : chaque cas d’usage doit livrer un retour sur investissement c’est-à-dire que dans un premier temps, nous rassemblons les cas d’usage. Nous les étudions afin de savoir si un cas d’usage peut être utile à une autre entité de la banque. Nous mutualisons ainsi les coûts d’innovation en travaillant sur différents POC avant de les déployer à plus grande échelle.

De quelle façon sensibilisez-vous l’ensemble des collaborateurs du groupe à l’usage de l’IA conversationnelle ?

En interne, nous avons banni l’utilisation de Chat GPT. Même au sein de la direction data du groupe, il n’est pas possible de se connecter à OpenAI car le risque de fuite de données internes est trop grand. En interne, un vrai effort de formation est nécessaire. Il faut apprendre à manier l’outil avant de le déployer à l’échelle de chaque collaborateur. Nous travaillons sur un Cloud privé et utilisons les outils Open Source afin de garder la maîtrise de nos données. Par ailleurs, nous sommes vigilants à ce que les usages proportionnés aux outils utilisés. Les grands modèles d’IA sont très énergivores. Nous regardons donc des modèles plus adaptés, à l’instar de ceux développés par Mistral IA.

À plus long terme, quelles seront les incidences de l’IA sur le secteur bancaire ? La banque se dirige-t-elle vers un nouveau modèle d’affaires ?

Je ne pense pas. La banque sera bien moins disruptée par l’IA que d’autres secteurs tels que la santé, l’industrie automobile ou encore la recherche génétique. Néanmoins, la banque est l’une des industries qui peut le plus rapidement mettre en place des gains de productivité grâce à l’IA. Nous sommes persuadés que l’IA sera un agent de transformation puissant et progressif. Cela ne changera pas le modèle de la banque. En revanche, le rythme des innovations va s’accélérer.

Chloé Consigny

Journaliste professionnelle et indépendante, elle collabore avec plusieurs médias français et internationaux. Pour plus de détails, c’est ici et pour lui écrire c'est ici.

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